Renouveau des blasons du Finistère

Je vous l’ai dit, le jour où j’ai rencontré Pol Potier de Courcy en salle de lecture des archives départementales du Finistère, je venais consulter les documents de la commission héraldique. Après le départ de l’historien, j’ai découvert les cinq liasses de comptes-rendus, conservées sous les cotes 1628 W articles 40 à 45. De vrais trésors !

Pont l’Abbé

En 1975, à l’invitation de la commission héraldique, la capitale bigoudène renoue avec la mode héraldique. Comme nombre de communes, la ville de Pont-l’Abbé reprend alors à son compte les armes de ses anciens seigneurs[1], suzerains des propriétaires fonciers de Combrit. Les sires du Pont blasonnaient « d’or au lion de gueules ». Un animal présent dans nombre d’armoiries.

Rien n’aurait-il changé en plusieurs siècles ?
Alors qu’à la Révolution, les blasons ont été abolis, en 1808, Napoléon en rétablit l’usage, d’abord pour les personnes, puis à la demande de la ville de Lyon, pour les communes. Évidemment, l’intérêt fiscal n’est pas absent des préoccupations de l’Empereur, qui codifie et taxe l’héraldique.

Les pouvoirs politiques successifs portent un intérêt plus ou moins important à la matière, qui est peu à peu libéralisée. Vichy renoue avec le centralisme, et met en place une Commission des sceaux et des armoiries de l’État, mais à la Libération, on revient à plus de souplesse.

En 1961, pour répondre à la demande des communes, le ministère de la Culture crée, une commission d’héraldique urbaine. Quelques mois plus tôt, le service des archives du Finistère s’était emparé de la question.

Le 4 novembre 1960, l’archiviste Rémi Mathieu, de la direction des Archives de France, renseigne son homologue finistérien, sur la méthode à suivre en matière d’armoiries municipales. Il lui suggère de créer une Commission départementale, composée du directeur des services d’archives et d’érudits locaux, dont au moins un spécialiste d’héraldique.
Il précise que la commission doit faire œuvre pédagogique, pour que les armoiries respectent les règles de l’art, mais, il revient au Conseil municipal de chaque commune de fixer les armoiries[2].

Créée par arrêté préfectoral fin 1974, la Commission du Finistère se réunit pour la première fois le 27 janvier 1975. Ses travaux s’étalent sur une quinzaine d’années. Si elle n’est pas parvenue à éditer un armorial du département, Michel Frogier et Michel Pressensé poursuivent son œuvre en 2001, et publient les armoiries des deux tiers des communes du Finistère [3].

Le travail accompli par la commission est loin d’être anecdotique, outre les armoiries municipales, on lui doit encore le blason départemental.

Les liasses conservées par le service des archives sont riches de projets, quelques fois farfelus mais toujours imaginatifs.
En voici quelques exemples pour les armes du département[4].

Chaque projet est accompagné de son blasonnement et la symbolique est détaillée en quelques lignes. Pour l’étonnant blason au trident, l’auteur indique :

D’argent (ou d’or) au trident de sable en pal accompagné de deux roses de gueules posées aux flancs de l’écu, l’une à dextre, l’autre à sénestre, le trident mouvant d’une champagne de sinople chargée d’un artichaut d’argent (ou d’or) tigé et feuillé du même.

Le trident symbolise tout à la fois :
la morpho-géographie du Finistère, avec ses trois pointes.
la vocation maritime du département (le trident de Neptune).
– la vocation agricole du département et le dynamisme de sa population rurale (la fourche).

Pour l’artiste, les roses symbolisent encore les fleurs du Finistère. La juxtaposition des différents éléments évoque « la psychologie finistérienne », emprunte de rudesse, contestation, réalisme et gentillesse.

C’est finalement l’hermine, le bélier et le lion qui sont retenus, avec le projet du docteur Benoiston[5]. Aujourd’hui encore, les couleurs de ce blason sont portées haut dans le département.

Projet du Dr Benoiston

Notons que le conseil départemental a inversé les éléments pour la version définitive. Le lion est passé à dextre, et le bélier à senestre.
Rappelons, qu’en héraldique, « dextre » indique le côté droit de l’écu, puisque l’on adopte le point de vue du chevalier qui le porte. Ainsi, l’observateur lit, à gauche, la partition notée « à dextre » et, à droite, la partition notée « à senestre ».

Blason-logo
Conseil départemental du Finistère
(capture d’écran du 21/03/2023)

Si les armes départementales ont trouvé leur place dans le cœur des Finistériens, il n’en va pas de même partout. Sur les vingt-deux communes adhérentes des offices de tourisme du pays Bigouden, moins de la moitié affiche encore leur blason sur leur site officiel. Les armoiries ont souvent été remplacées par des logos, plus modernes et souvent plus simples.

Elles ont cependant fréquemment conservé les couleurs recommandées en 1990 par la commission départementale d’héraldique, qui, pour le pays Bigouden, préconisait :

Les armoiries du Pays Bigouden doivent être d’une richesse symbolisée par l’or et le rouge.[6]

La commune de Plomeur, bien connue des surfeurs de la pointe de la Torche, a superbement répondu aux consignes, tout en renouvelant les codes héraldiques avec un blason toujours utilisé aujourd’hui.

Blason de Plomeur
AD29 1628W40 Commission héraldique

Pas de blason bigouden, mais la commission a entériné le lien du territoire avec sa capitale, Pont-l’Abbé. Le drapeau aux vingt-deux hermines et trois bandes rouges, en témoigne.

En octobre 2022, la communauté de communes du Pays Bigouden Sud renouvelle l’exercice avec son nouveau logo. Toujours de rouge et or, il met à l’honneur les douze communes, au cœur de la célèbre coiffe, et s’affiche sur la façade du bâtiment intercommunal.

Et vous, avez-vous des armoiries ?
Ces travaux vous inspirent ? Voulez-vous profiter des vacances pour créer votre propre blason ?
Voici quelques éléments pour vous y aider dans ce dépliant réalisé par la commission en 1989 !


[1] www.armorialdefrance.fr , l’armorial des villes et des villages de France, copie d’écran du 21/03/2023.
[2] AD29 1628 W 41 Ancienne commission, conseils aux maires pour la création de leurs armoiries : correspondance, 1952-1966.
[3] FROGIER, Michel, PRESSENSÉ, Michel, Armorial des communes du Finistère, Chantonnay, Froger, 2001.
[4] AD29 1628 W 43 Travaux de la commission, création des armes du département du Finistère (1976-1977).
[5] Le Docteur Jean-Edouard Benoiston, médecin-directeur de l’hôpital Gourmelen de Quimper, était membre de la Société Française d’Héraldique et de Sigillographie. Il a pris une part active à la commission départementale d’héraldique.
[6] AD29 1628 W 40 Commission départementale d’héraldique, procès-verbaux des séances n°1 à 35.

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