Généathème de février 2024 : Rendons-nous aux archives

En février 2024, pour faire suite à son GénéaWeekEnd, l’association Geneatech lance un appel : rendons-nous aux archives !

Je travaille régulièrement sur la Haute-Marne, terre de nombre de mes ancêtres. Mais la distance géographique me permet rarement de me rendre sur le terrain. Reste à explorer le site des archives départementales, ses inventaires et ses ressources en ligne.

Prenons une commune haut-marnaise : Lanques-sur-Rognon. Un exemple choisi au sein de mon ascendance maternelle. François Milliard (1806-1894) y a vécu près d’une quarantaine d’années, entre 1823 et 1869. Quant à son épouse, Françoise « Reine » Gautherot (1811-1896), elle y est née, comme ses parents. Le couple a élevé ses douze enfants à la ferme du Plénoy, avant de regagner Ageville.

Sur le site des AD52, je veux faire une recherche générale pour Lanques, et tenter de trouver trace de mon ancêtre, en dehors de l’état-civil et des recensements de population. L’idée est d’alimenter mon journal de recherches, pour une prochaine visite, et pourquoi pas de trouver d’autres types d’archives en ligne.

Je clique sur le bouton « tous les fonds d’archives », puis saisis « Lanques » dans la rubrique lieu
Première surprise, le logiciel renvoie cinq résultats :

Le premier est relatif au centre de secours dissous entre 1881 et 1992.
Le second donne dix références d’archives judiciaires. J’y retrouve quelques noms d’ancêtres potentiels, Millard, Legros et Descharmes, mais la période est trop ancienne.
Archives judiciaires également pour la ferme de Pincourt, à ma connaissance, sans relation avec mes ascendants.
Le bureau de bienfaisance a été créé en 1911, cette fois, la période est trop récente.
Enfin, parmi les cent-quarante-trois entrées répertoriées sous « Lanques-sur-Rognon (Haute-Marne, France) » se trouvent en ligne :

  • les registres paroissiaux, l’état-civil et ses tables décennales,
  • les recensements de population,
  • un parchemin de 1244, issu du Fonds Laloy,
  • les plans des cadastres napoléoniens et rénovés,
  • les plans de remembrement.

Laissons de côté les documents disponibles sur Lanques, consulatbles sur place : des archives religieuses du diocèse de Langres, et des archives de la Préfecture de l’administration des Eaux et Forêts.

Concentrons-nous sur une dernière catégorie de documents en ligne, les registres de délibérations municipales.
Ils sont répartis en six sous-unités et couvrent une large période de 1788 à 1915, à l’exception d’une vingtaine d’années (1830 à 1850).

Comme le dit Céline Souëf dans sa vidéo*, le généalogiste trouvera rarement mention des siens dans ce type d’archives. Il s’agit plutôt de découvrir le contexte de vie de ses aïeuls. Mais cela vaut la peine de feuilleter les registres des délibérations. Au milieu des renouvellements des élus, des nominations de gardes champêtres, de réfection des salles de classe ou du logement de l’instituteur, il est possible d’imaginer la vie de nos anciens.

Pour Lanques-sur-Rognon, j’ai sélectionné quelques informations au sein des registres de 1851 à 1857 et de 1857 à 1870.

En 1854, le Conseil municipal se prononce sur la rétribution scolaire. Trois ans plus tôt, la loi a fixé le salaire des instituteurs à 600 F annuels. Comme la commune n’est pas en mesure de verser la totalité de ce montant, les parents doivent payer 40 centimes par mois et par enfant scolarisé, à moins qu’il ne figure sur « la liste des enfants instruits gratuitement ». Les décisions municipales ne contiennent pas cette liste, pas plus que celle des garçons inscrits à l’école de Lanques. Dommage, j’aurais bien aimé savoir si les enfants de François Milliard et Reine Gautherot ont fréquenté cette classe.
En 1854, l’école n’est ni gratuite, ni obligatoire. Et le plus souvent, elle ne concerne que les garçons. Je n’aurai pas trouvé trace de Louise Élisabeth Anastasie Milliard, la fille de François alors âgée de douze ans, mais peut-être mention de trois de ses frères.

Ce qui est constant à Lanques-sur-Rognon, c’est le souci du Conseil municipal d’éviter les dépenses. En matière sanitaire, la décision du 8 novembre 1854, nous apprend que le choléra n’a que très légèrement frappé la population. Alors, les élus décident de ne pas suivre la proposition préfectorale, ils ne votent pas d’honoraires médicaux.

Pour autant, ils ne rechignent pas à répondre aux préoccupations sociales. Le 6 août 1855, Paul Maréchal, nouveau maire de Lanques, présente un projet du Préfet de Haute-Marne en la matière : « Les indigents de la commune seraient soignés gratuitement par un médecin désigné et recevraient en même temps les médicaments nécessaires au moyen d’un léger subside payé chaque année par la commune ». Le Conseil alloue vingt francs à l’opération.
Quelques mois plus tard, avec l’aide de Monsieur le Curé, les élus établissent une liste des indigents. Puis, ils répartissent l’aide de l’état (150 F alloués à Lanques, sur les 70 000 du total haut-marnais), augmentée des « cent-trente-et-un francs soixante-cinq centimes de la charité publique », entre les bénéficiaires. Mon quadrisaïeul, François Milliard (1806-1894) ne figure pas sur cette liste, mais quelques noms ne me sont pas inconnus. À l’occasion, je pourrai faire de nouvelles recherches.

Parfois, les délibérations municipales permettent de découvrir des accidents de la vie. C’est le cas dans le registre de 1857 à 1870. Le 22 juin 1861, un gros orage s’abat sur la France. Il occasionne des dégâts à Lanques, au point que le Conseil municipal dégage soixante francs de son budget pour venir en aide aux victimes.

Bien sûr, ces recherches m’ont demandé de la patience. Il m’a fallu tourner et tourner les pages numériques, sans le réconfort de l’odeur des vieux papiers.
Mais tout de même, quel plaisir d’imaginer la vie quotidienne de mes ancêtres, de presque les entendre pester contre la taxe sur les chiens**, de craindre pour eux lorsque j’ai découvert que la ferme du Plénoy a subi un incendie. Car oui, j’ai découvert une information inscrite nulle part ailleurs.

Le 28 février 1852, il y a le feu chez François Milliard. Mon ancêtre a quarante-cinq ans, il est garde particulier. La maisonnée compte encore neuf enfants, deux filles et sept garçons. Seule Élisabeth Anastasie a quitté le cocon familial, mariée depuis deux ans. Reine Gautherot, la mère, est enceinte de huit mois. La petite Delphine Caroline naît quelques semaines plus tard, le 20 mars, à Ageville et non à Lanques. Est-ce à cause de l’incendie qu’elle voit le jour dans le village voisin ?

L’état-civil montre que l’incendie n’a pas été meurtrier. Cependant, en mai, le Conseil municipal vote une somme de trente francs aux pompiers d’Esnouveaux. Les hommes du feu sont intervenus avec courage sur l’incendie de la ferme du Plénoy, avec leur pompe. Comme une soupape de l’engin a alors percé, le maire de Lanques trouve juste de rembourser la pièce pour dix francs et de donner vingt francs de pourboire aux sauveteurs.

Alors, convaincus de faire un détour par les registres de délibérations municipales pour votre généalogie ?
Je vous souhaite de bonnes recherches, et si vous préférez me les confier, ce sera avec grand plaisir !

*SOUËF, Céline, « Faire des recherches aux archives municipales », Chaîne You Tube Geneatech, mise en ligne du 4/02/2024.

**Cf. mon rendez-vous ancestral de février 2024, Rendez-vous avec Monsieur le Président.

Sources :
– AD52 E dépôt 5055 Registre des délibérations municipales de Lanques-sur-Rognon, 1851-1857.
– AD52 E dépôt 5056 Registre des délibérations municipales de Lanques-sur-Rognon, 1857-1870.
– MERGNAC, Marie-Odile, Retracer la carrière d’un instituteur ou d’un professeur, Archives et Culture, 2e édition.

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