Acte de bravoure

Dimanche 1er mai 1892, comme tous les 1er, 11 et 21 de chaque mois paraît le Journal de la gendarmerie de France. Mais ce jour-là à Rochefort-sur-Mer, en Charente Inférieure, c’est l’effervescence à la caserne Joinville et tout le monde s’arrache le numéro 1676 de la revue.

Cela faisait déjà quelques jours que les gendarmes attendaient les nouvelles. La veille à Bordeaux, deux quotidiens régionaux avaient déjà repris le Journal Officiel, et annoncé la nouvelle sous la rubrique récompense :

Aujourd’hui je vous propose un détour du côté de la généalogie de Monsieur. Son arrière-arrière-grand-père BOUTIN était gendarme à pied et sans doute un peu casse-cou.

Jean BOUTIN nait le 29 août 1850 à Bordeaux. L’accoucheuse le déclare à la mairie, deux jours plus tard. Son père, Michel est raffineur. Avec sa femme, Marguerite CHAIGNAUD, il vivent au 67 rue Poyenne.
Jean grandit, apprend à lire et écrire, devient charpentier en navires.
Sur sa fiche matricule, il est décrit ainsi : 1 m 66, sourcils et yeux noirs, front découvert, nez fort, petite bouche, menton rond, visage ovale et teint brun. Il rejoint le 1er Régiment d’Infanterie le 4 novembre 1870 comme appelé, puis quelques années plus tard la Charente Inférieure, nommé gendarme à pied le 24 avril 1876.

Entre temps, il est devenu sergent au 6ème de ligne et à l’occasion d’un congé, il épouse Marie Cécile Anastasie DEBORDE, le 15 mai 1875, au Château-d’Oléron, tout en légitimant la petite Marguerite Henriette, née au mois d’août précédent.

La famille s’établit bien sûr à la caserne de gendarmerie de Rochefort en avril 1876 et c’est là que né Camille Victor BOUTIN, l’arrière-grand-père de Monsieur, mais c’est une autre histoire…

Jean BOUTIN a 25 ans à la naissance de son fils. Il exerce son métier de gendarme avec passion et dévouement.
Le jeudi 10 mars 1892, à 41 ans, il va une nouvelle fois montrer son courage et son sang-froid.
Vers onze heures, alors qu’il rentre à la caserne de la rue de Chanzy, à hauteur du numéro 141… Mais laissons plutôt le journaliste du Courrier de la Rochelle nous raconter les faits.

« Jeudi matin, vers onze heures, le gendarme Jean Boutin, de la gendarmerie départementale, rentrait à la caserne de la rue Chanzy, lorsqu’arrivé en face le numéro 141, il entendit derrière lui un roulement lourd et précipité. C’était un cheval attelé à un camion, appartenant à M . FROISSANT, liquoriste, et qui descendait la rue, bride abattue et sans conducteur. Jetant son manteau à terre, Boutin saute à la tête de l’animal ; mais ce dernier, jeune et vigoureux, se débat et traîne le courageux gendarme sur un parcours de 80 mètres environ. Enfin Boutin, que rien n’a pu faire faire lâcher prise, parvint à maîtriser la bête et à l’arrêter prévenant ainsi de graves accidents. Pendant ce temps, plusieurs gendarmes, attirés par les cris Au secours ! viennent en aide à leur camarade pris sous les brancards du camion, et le relevèrent tout meurtri, les vêtements déchirés. – Victime de son dévouement, Boutin a dû s’aliter ; il a le corps, les jambes principalement, couvert de contusions.
Ce n’est pas la première fois que ce brave serviteur expose sa vie ; et il faut espérer que bientôt, une médaille d’honneur récompensera son courage. »

Elle viendra très vite cette récompense, sous la forme d’une médaille d’argent de 2ème classe comme le reprend le Journal de la gendarmerie de France du 1er mai.

Pour mes lecteurs, qui comme moi, ne connaitraient pas Rochefort-sur-Mer, la rue Antoine Chanzy, théâtre de cet acte de bravoure est aussi connue pour d’autres faits : Une scène des Demoiselles de Rochefort y a été tournée. Voyez plutôt !

Sources :
Gallica Retronews Le courrier de la Rochelle 13/03/1892 p2
Gallica Retronews La Gironde 30 avril 1892 p1/4 colonne 3
Gallica Retronews La Petite Gironde 30 avril 1892 p2 colonne 5
Gallica Retronews Le Journal de la Gendarmerie 01/05/1892 p180
Attelage et patrimoine
Cartes postales Delcampe
Geneanet

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