Dans la première partie de cette minisérie sur le confort moderne de nos familles, je me suis attachée à vous décrire comment Mamie Cotte vivait à Bourges pendant la Seconde Guerre Mondiale, puis à Saint-Dizier dans les années 50-60. Voyons à présent ce qui se passait pour Monsieur et ses frères et sœurs en région parisienne, à Issy-Les-Moulineaux.
La petite famille de Pierre Camille MARZIN (1930-2009) et Christiane Renée TERLON (1928-1968) emménage dans les années 50 à Issy-Les-Moulineaux dans le tout nouveau quartier HLM du centre-ville/Corentin Celton/Les Varennes, très exactement rue Foucher-Lepelletier. Foucher Lepelletier.
Pierre Camille MARZIN, second fils de Pierre MARZIN*, alors directeur du C.N.E.T., est ingénieur comme son père. Il n’a pourtant pas suivi la voie paternelle. Il n’a pas fait Polytechnique. Pierre s’est fait tout seul, il y tenait beaucoup, et il a emprunté la voie des cours du soir au C.N.A.M (Conservatoire National des Arts et Métiers).
Il a aussi construit sa famille. En 1960, elle se compose de quatre enfants, de la maman Christiane et tour à tour d’animaux familiers, poissons rouges, tortue, hamster et bien sûr de Moumousse, le chat.
Tiens ! Commençons la visite de l’appartement par le balcon.
A ce que j’ai compris, c’était presque une pièce supplémentaire pour la famille.
D’abord c’était la chambre du hamster, dont j’ai oublié s’il avait un nom.
Lui bénéficiait, c’est sûr, de tout le confort moderne dont un hamster peut rêver.
Les deux garçons sont formels, « Papa lui avait construit une grande cage au-dessus d’une grande caisse en bois remplie de terre. Le confort trois étoiles ! Rien n’avait été oublié, ni la roue, ni les échelles, ni aucune souche récupérée dans les bois ». Mais un hamster ne vit que deux ou trois ans aussi pour prolonger un peu sa présence au sein de la famille, le père l’avait fait empailler. Personne ne se souvient ce que la petite momie est devenue.
Pour Moumousse, un jour il s’est perdu, à moins qu’il n’ait décidé de prendre son indépendance. Il avait pourtant passé de bons moments avec Christiane TERLON, à l’observer dans ses activités ménagères, assis dans la cuisine.
Le lave-linge figurait en bonne place dans cette cuisine. Un autre instrument de confort, si important pour une famille de quatre enfants. Peut-être avait-il été acheté chez Darty, qui a ouvert son premier magasin en 1966 ?
Au fond de la cuisine, pour les locataires qui n’avaient pas encore acquis le fameux Frigidaire, que General Motors fabriquait déjà en série pour les Français comme pour les Américains, l’appartement avait un garde-manger, juste à côté du balcon. La façade extérieure en était ajourée pour laisser circuler l’air frais. A cette époque, un garde-manger était encore très utile puisque seuls 30% des ménages français avaient un réfrigérateur.
Quittons la cuisine et gagnons le petit vestibule.
A gauche la partie nuit, avec d’abord la chambre parentale, qui n’avait rien de commun avec nos suites du même nom, synonymes du confort d’aujourd’hui. C’était cependant la plus grande des chambres. Les WC, ensuite, indépendants de la salle de bains. Salle de bains et non salle d’eau évidemment.
La mode alors n’était pas à la douche et si cela n’était pas très écologique, le fait est qu’on ne prenait pas un bain tous les jours et que plusieurs membres de la famille se succédaient dans la même eau. Il en allait dans la famille MARZIN comme dans la mienne, la famille PORTE.
Élément supplémentaire de confort dans cette salle de bains, le séchoir pour le linge. Mais confort assez relatif d’après mon beau-frère puisque le fameux séchoir apportait un courant d’air assez désagréable pour faire sa toilette. Ne vous y trompez pas, quand je dis séchoir, je ne pense pas au sèche-linge d’aujourd’hui, mais à une toute petite pièce aérée par l’extérieur pour y faire sécher le linge. Un peu comme le garde-manger côté aération, mais avec une tout autre fonction.
Poursuivons la visite avec la chambre des filles et puis celle des garçons. Agencement classique, avec lits jumeaux équipés de dessus de lits, bien entendu. Si celui de la chambre des parents était en satin bleu, ceux des lits des garçons étaient rouges, style provençal, avec rideaux assortis. Si vous avez envie de vous replonger dans l’ambiance de l’époque, vous pouvez encore en trouver sur les sites d’enchères.
Pour terminer la visite, le séjour.
La mode des années 60 n’était pas à la cuisine ouverte. On cachait plutôt la fabrication des repas. Pour faire croire que l’on avait une domestique ou par opposition aux logements des campagnes où il n’y avait bien souvent qu’une unique pièce ? En tous cas chez Marzin, comme bien souvent en HLM, impossible de prendre le moindre repas dans la cuisine, elle n’est qu’un laboratoire.
Alors les six membres de la famille les prenaient dans le séjour qui comptait coin-repas et coin-salon.
C’est dans cette pièce que réside encore une originalité de l’immeuble. C’est par elle que l’on entre dans l’appartement, en descendant quelques marches d’un escalier peint en vert amande.
Curiosité cette construction ? Inspiration Le Corbusier plutôt.
En 1953, l’architecte Jacques Delaire (1901-1975), un enfant d’Issy, réalise la première tranche de l’ensemble Séverine. Un premier immeuble de quatre étages, auquel s’ajoute une seconde tranche en 1955. Cette fois deux bâtiments sont construits, en forme de compas, avec une aile de six étages, l’autre de neuf. Les Marzin habitaient au huitième.
Les garçons se souviennent parfaitement d’un immeuble sur pilotis, d’une sorte de grand préau en rez-de-chaussée, de grands couloirs lumineux, des boîtes aux lettres assemblées à chaque étage, de l’ascenseur qui desservait un étage sur deux.
Du Le Corbusier, je vous dis. A peu de choses près la Cité Radieuse, unité d’habitation, verticalité et rues intérieures. Évidemment les immeubles d’Issy n’échappent pas aux critiques de ces ensembles. Si aujourd’hui les extérieurs ont retrouvé un cadre très agréable, dans le souvenir des garçons, c’est plutôt « un hall ouvert aux quatre vents, propice aux rodéos des deux-roues et les épanchements canins qui dominent ». Quant aux filles, elles devaient se garder des propos sexistes, des sifflets ou autres gestes déplacés.
Et puis l’immeuble avait aussi son lot de disputes intrafamiliales, de musique trop forte, de pannes de l’ascenseur et d’odeurs désagréables qui remontaient les étages.
Je ne voudrais pourtant pas terminer en vous laissant une image déplorable. La famille Marzin a de très bons souvenirs de cet appartement. Souvenirs d’enfance, de bonbons, de chewing-gums achetés un centime, et de cette large vue ouverte sur la ville que les enfants avaient du balcon. Une période heureuse.
Un grand merci à Monsieur et son frère, mon beau-frère, qui m’ont livré leurs souvenirs et leurs écrits.
*Pour retrouver Pierre MARZIN, vous pouvez lire « Souvenir de rendez-vous », « l’X », ou « Rendez-vous citoyen ».
Sources :
Cuisine des années 60, Les HLM en expos, musée virtuel du logement social.
Histoire d’Issy-les-Moulineaux, site de la ville.
Issy-les-Moulineaux – un HLM inspiré par Le Corbusier, Historim, Histoire et Recherche d’Issy-les-Moulineaux.
L’unité d’habitation, Wikipédia.
Site de l’Association des Habitants de l’UH Le Corbusier Marseille.
Contexte France (5e édition), Thierry Sabot, Éditions Thisa, 4ème trimestre 2021.
Roman Un jour, enfin, Jean-Pierre Marzin (voir le site Je suis)
Savoureuse, cette visite d’appartement dans les années 50/60 ! Et le hamster empaillé, je ne m’en remets pas 😉 Cela me donne envie de réinterroger mes parents sur les appartements où ils ont vécu, je pense que le tour sera beaucoup plus rapide car ils vivaient dans des appartements minuscules et bcp moins « confortables » ahah
Finalement il semble que les repas dans la cuisine étaient possibles en étant bien serrés les uns contre les autres, mais les 2 garçons ne partagent pas les mêmes souvenirs sur ce point 😉
Quelle savoureuse visite, j adore l écriture un peu décalée, tellement originale. Pendant ce temps, chez nous, à la campagne les toilettes c était encore là cabane au fond du jardin et pas de salle de bain. Le proprio ne voulait pas faire de travaux
Chez nous aussi, il y a eu les toilettes au fond du jardin, j’en parlerai dans une 3eme partie 😉
Jolie visite d’une période heureuse mais alors, penser que, peut-être, le hamster n’avait pas de nom… Je ne peux pas croire qu’un hamster aussi bien logé n’en avait pas… même les poissons rouges en avaient un chez moi !
Dernière minute ! Le hamster avait bien un nom ! C’était Rita 😁 Puis lui a succédé au sein de la famille Rita Two !
On ne sait toujours pas s’il s’agissait de filles ou de garçons 🤭
Aujourd’hui je prends le temps de parcourir les blogs de ceux qui me suivent, et je découvre vos articles avec plaisir. Le style très vivant mélange genealogie, recherches, et anecdotes de manière très agréable.
Merci, ça me fait très plaisir