Samedi 19 novembre 2022, jour de rendez-vous ancestral. Tant mieux, j’ai besoin d’une pause dans le challenge AZ. De toutes façons, avec le Q, je suis coincée. Ça n’existe pas en breton, m’ont dit deux descendants de Pierre Jézéquélou (1753-1807). Pas de X non plus, a précisé Ifig, mais pour cette lettre-là, j’ai quelques jours pour me retourner.
Pas de Q, juste CH ou C’H comme dans « Floc’h » pour Jeanne Louise Yvonne Cécilia Le Floc’h (1820-1893) par exemple. « Floc’h » à prononcer « Floque » évidemment. Mais la lettre F est déjà passée et j’avais choisi « F comme Fête ou Fontaine ». D’ailleurs, Ifig m’a écrit que la fête des bois avait été créée pour collecter des fonds pour les prisonniers de la Seconde Guerre Mondiale. Nouvelle piste à suivre, mais ça ne m’avance pas pour l’article du jour.
Ce matin, le ciel est dégagé et le soleil brille. Je vais prendre cette pause. Où ai-je rangé ma quantiquette ? Dans le placard, comme d’habitude. Je la déplie. Je ferme les yeux pour régler le GPSQ. Partir au hasard, sans réfléchir, on verra bien, pourvu que je reste à Combrit.
Parfait, je reconnais l’église Saint-Tugdual. Je lève les yeux. Elle a quelque chose de bizarre l’église paroissiale de Combrit. Je ne reconnais pas le clocher, la flèche me paraît s’élever davantage.
Il fait beau et chaud, un temps de fin de printemps. Les cloches retentissent, appellent les fidèles pour la messe. Les voici qui arrivent. Hommes, femmes, enfants. Les hommes portent un bonnet de couleur bleue.
Aie, aie, aie ! Je n’ai pas la tenue adéquate, je me dissimule dans une encoignure. J’attends que tout le monde soit entré, puis je m’avance à mon tour dans l’église et me cale dans un recoin. Personne ne devrait me remarquer ici. Je vais pouvoir observer tout à loisir.
Les hommes d’un côté, les femmes de l’autre, le recteur va prendre la parole.
Mais tout à coup, des hommes franchissent bruyamment le seuil de l’église.
Ils crient « Sus à Kersalaün ! ». Ils foncent sur un homme au premier rang, s’en emparent. Ils le tirent vers l’extérieur. Ils vocifèrent. L’un d’eux hurle : « Au Cosquer ! »
D’autres se précipitent dans l’escalier du clocher.
La plus grande confusion règne dans l’église. Des enfants pleurent, des femmes sont choquées. Et je vous avoue que je n’en mène pas large.
Les bonnets bleus s’éloignent. Lorsque je n’entends plus leurs cris, je sors en catimini de ma cachette. Le parvis de l’église est vide. Les paroissiens sont restés à l’intérieur et se remettent de leur frayeur.
Je ne vais pas m’attarder. Je reprends mon engin. Regarde une dernière fois la flèche qui s’élève majestueusement vers le ciel. Un drapeau rouge flotte au vent.
Çà y est, j’ai compris, je suis arrivée pile le 23 juin 1675.
De retour plus tôt que prévu, je fonce sur mon ordinateur. J’ai des vérifications à effectuer.
C’est bien ce que je pensai. Le dimanche 23 juin 1675, les bigoudens se révoltent et Combrit est en première ligne.
Louis XIV a besoin d’argent. Colbert crée une nouvelle imposition sur le papier timbré. Les paysans bigoudens sont déjà en grandes difficultés économiques, c’est la goutte qui fait déborder le vase, mais ils s’en prennent aux seigneurs locaux plutôt qu’au Roi.
Le 23 juin 1675, des Combritois agressent Nicolas Euzénou de Kersalaün, seigneur du Cosquer, dans l’église. Ils se rendent ensuite au château, le pillent et laisse leur seigneur pour mort.
La répression de ces faits sera terrible. Le duc de Chaulnes, gouverneur de Bretagne fera pendre quatorze paysans et raser le clocher de cinq églises, dont Saint-Tugdual.
Il reste peu d’archives concernant ces événements et je ne sais pas si des Jézéquélou y ont pris part.
Seules informations en ma possession, ce sont les arrières-grands parents de Pierre Jézéquélou (1753-1807) qui les ont vécus, un autre Pierre JEZEQUELOU (1646-1699), qui n’avait pas encore épousé Françoise DAOULAS (1652-1716).
Ces événements sont restés dans l’histoire de France sous le nom de révolte du Papier Timbré et en Bretagne de révolte des Bonnets-Rouges. Mais je ne me suis pas trompée en vous parlant de bonnets bleus, car les bonnets des Bigoudens, au contraire de ceux d’autres secteurs, avaient effectivement cette couleur.
Source :
– DUIGOU, Serge, La Révolte des Bonnets Rouges en pays bigouden, Quimper, Editions Ressac, 1989.
Il leur fallait beaucoup d or et d argent pour venir guerroyer dans mon canton. Tu as participé, si ce n ’est toi c’est donc ton…., à l effort de guerre contre mes pauvres aïeux. Qui donc est Ifig ?
Ifig est un descendant, généalogiste amateur, de Pierre Jézéquelou (Identifiant Geneanet : ifigsantvoran)