Vente des biens nationaux à Combrit : archives, enchères et mémoire foncière

À Combrit, comme dans tout le Pays Bigouden, la Révolution française bouleverse les équilibres fonciers hérités de l’Ancien Régime. Le système du domaine congéable, qui régissait les relations entre propriétaires et paysans domaniers, cède progressivement la place à une nouvelle logique de propriété. La vente des biens nationaux, issus des confiscations révolutionnaires, transforme les destins individuels. Cet article retrace, à partir de documents d’archives, le parcours de plusieurs biens vendus à Combrit, dont la maison Ty Annilis et la chapelle de la Clarté.

Avant 1789, les terres de la paroisse bigoudène étaient exploitées selon le régime du domaine congéable. Ce système distinguait le fonds — propriété du seigneur ou du propriétaire roturier — des superficies, c’est-à-dire les bâtiments, talus, arbres et récoltes, appartenant aux paysans appelés domaniers. La famille Euzenou de Kersalaun possédait alors une grande partie des terres locales.

La Révolution française bouleverse cet ordre. Si le domaine congéable est d’abord épargné en 1789, il est réformé en 1791, aboli en 1792, puis rétabli par la loi du 9 brumaire an VI (30 octobre 1797). Parallèlement, la nationalisation des biens ecclésiastiques et leur mise en vente modifient profondément la structure foncière.

Le décret du 2 novembre 1789 place les biens du clergé à la disposition de la Nation. Ces « biens de première origine » représentent plus de 6 % des terres. S’y ajoutent les biens de la Couronne, puis ceux des émigrés à partir de 1793, dits « biens de seconde origine ». Le décret du 14 mai 1790 fixe les modalités de vente : estimation par des experts, soumission des acheteurs, puis adjudication aux enchères.

Les archives du Finistère conservent les traces de ces opérations à Combrit. Ty Conan et Tromarzin sont expertisés les 3 et 4 pluviôse an VII (22 et 23 janvier 1799). Deux tenues du Reluet sont estimées les 1er et 2 prairial (20 et 21 mai). Charles Diquellou, domanier, soumissionne pour un bien qu’il louait à l’émigré Baude.

Extrait de la vente de Radenec AD29 1 Q 711 Procès-verbaux de vente de Biens nationaux

Alain Garin, exploitant du domaine de Radenec, tente aussi d’acheter le bien qu’il occupe. Mais il décède le 28 janvier 1791, avant l’adjudication du 18 février. Cinq candidats se présentent. Après plusieurs enchères marquées par l’allumage de bougies successives, Pierre Jezequelou l’emporte pour 1 525 livres. Il doit verser 12 % dans les quinze jours, puis le reste en douze annuités avec 5 % d’intérêt. Il prend le bien en l’état et contrairement à ce qui se pratiquait sous l’Ancien Régime, il ne peut expulser le domanier.

Certains biens ne trouvent pas preneur. En l’absence de soumission, les enchères ne sont pas organisées. Ces biens sont restitués à l’Église en 1805. D’autres sont vendus plus tard, comme la chapelle de la Clarté et la maison manale Ty Annilis, propriété de la fabrique de Saint-Vennec.

Estimée en juillet 1799, Ty Annilis est louée par Yves Charlot et sa mère pour 18 francs, versés chaque 29 septembre, jour de la Saint-Michel. L’expert décrit une maison de treize mètres de long, avec deux portes, trois fenêtres, trois pignons, deux cheminées et une toiture en paille. Mise à prix à 1 000 francs, elle est très disputée : huit bougies sont nécessaires pour que Pierre Féoult l’emporte à 12 400 francs.

Extrait du procès-verbal de vente de Biens nationaux Maison et jardin,
Fabrique de la Clarté AD29 1 Q 697 176

Les plans cadastraux de 1804, conservés en double exemplaire aux archives, permettent de situer les lieux. Le plan en couleur distingue les types de cultures par teintes et motifs. Le second exemplaire précise les usages en toutes lettres.

Saint-Vennec, cadastre par masse de culture, AD29 3 P 40 2 du 13 fructidor An XII

Ty Annilis correspond probablement au numéro 18, entre le Léoc (n°17) et la chapelle de la Clarté (n°19). Aujourd’hui, la maison conserve ses deux portes et trois fenêtres, mais n’a plus qu’une cheminée.

La chapelle de la Clarté et la maison manale adjacente – Photographie LPM Sept. 2024

La vente des biens nationaux à Combrit illustre les bouleversements fonciers de la Révolution, mais aussi les trajectoires individuelles de paysans devenus propriétaires. Grâce aux archives, aux plans cadastraux et aux vestiges bâtis, cette mémoire foncière se transmet et s’incarne dans le paysage. Ty Annilis et la chapelle de la Clarté en sont les témoins, porteurs d’une histoire locale à redécouvrir.

Sources :
– AD29 1 Q 418 Procès-verbaux d’expertise.
– AD29 1 Q 711 Procès-verbaux de vente de Biens nationaux.
– AD29 1 Q 697 176 Procès-verbal de vente de Biens nationaux, Maison et jardin, Fabrique de la Clarté.
– AD29 3 P 40 2 du 13 fructidor An XII, cadastre par masse de culture.

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