Petits pécules pour démarrer dans la vie

Dès la parution du Généathème de juin 2021, Histoires d’argent, j’ai eu l’idée de vous parler de ces petits pécules constitués par et pour les enfants assistés. Il ne me reste que quelques heures pour tenir ce challenge, alors affutons la plume numérique !

Si je me souvenais parfaitement de ces petits pécules, j’avais oublié qu’il était si souvent question d’argent dans les dossiers de ces enfants.
Je vous ai déjà présenté mon arrière-grand-mère maternelle, Amélie dans cet article intitulé « Amélie et ses frères, l’abandon ».
En septembre 1890, Mathilde HILLAIRET et Hyacinthe BRAULT se résolvent à abandonner leurs enfants à l’hospice des Enfants Assistés du Département de la Seine. Ils y conduisent Amélie, Charles et Georges.
Gaston, né en août, a déjà été enregistré par le service.

Mathilde déclare quelques éléments concernant la situation financière de la famille.
Le loyer qu’ils versent annuellement pour leur logement de la rue Glacière, dans le 14ème arrondissement de Paris, est de 300 Francs. Hyacinthe « n’a pas d’ouvrage et ne gagne rien ». Mathilde est couturière et gagne en moyenne 1 Franc 50 par jour.

Quelque temps avant de déposer leurs enfants au service de l’Assistance Publique, ils ont obtenu un secours de 5 Francs. Je ne sais pas si cette somme vaut pour tous les enfants ou s’ils ont eu 5 Francs pour chacun des petits.

Pour avoir une idée de ces différentes sommes aujourd’hui, prenons la base suivante :
1 Franc 1880 = 3,80€. *
Le loyer familial est de 1140€ par an (95€ mensuel).
Mathilde gagne 5,70€ par jour.
L’aide obtenue était au plus de 57€ pour élever les trois enfants.

Une fois confiés à l’Assistance Publique, Amélie et ses frères ont été conduits dans l’Yonne, au bureau d’Arnay-Le-Duc et placés en nourrice, puis en pension chez des cultivateurs.

La prise en charge d’enfants assistés coûte cher aux départements. A la différence de ses frères, Amélie est née à Saint-Pierre-des-Corps, en Indre-et-Loire. Alors le préfet de la Seine tente de la faire prendre en charge par son collègue de Tours.
Le préfet d’Indre-et-Loire ne l’entend pas de cette oreille et répond fort civilement mais fermement :
Certes la fillette est née en Indre-et-Loire, mais la maman résidait habituellement à Paris et n’était à Saint-Pierre-des-Corps qu’au moment de son accouchement, en visite dans sa famille.
Dont acte, Amélie et ses frères sont enfants assistés de la Seine.

On l’a dit, Gaston est tout petit lorsqu’il est abandonné. Il est placé en nourrice à Suze, un hameau de Marcheseuil (21), chez Anne DEBLANGEY, femme PERRIN Pierre.
Les enfants restent en nourrice jusqu’à l’âge de six ans. Cette activité constitue à la campagne un revenu complémentaire pour la femme. L’administration pourvoit aussi en layette et vêture chaque année.

A partir de six ans, les enfants sont mis en pension dans les fermes ou restent chez la nourrice qui fournit les repas et pourvoit à l’instruction scolaire et religieuse. Dans tous les cas ils travaillent et les périodes de scolarisation sont réduites.
Ainsi Amélie n’a fréquenté l’école que quelques trimestres. Le 29 janvier 1892, alors qu’elle a douze ans et demi, Anne DEBLANGEY, chez qui elle est placée avec Gaston, écrit :

Monsieur le directeur,

Depuis hier que je suis rentré chez nous la petite Amélie braut ne fait que de pleurer elle a peur de sennaller sa nous fait beaucoup de peine et si vous avez toujours l’intention de nous la laiser puisque vous me dite que nous serons payez jusque au 30 septembre je vous promets les trente francs que vous mavez demander hier. Seulement je la retirerai de classe le 10 Mai mais je lenverrai toujours au cathéchisme jusqua quel ait fait sa premiere communion et je vous promet de la renvoyez en classe depuis le 1er octobre jusque au 1er Mars 1893 recevez Monsieur le directeur mes salutations

Femme Perrin Deblangez

suze le 29 janvier 1892

Il semble que mon arrière-grand-mère ait eu un traitement de faveur puisque à douze ans, les enfants étaient mis en apprentissage.

Par exemple, le dossier de Gaston contient un contrat de placement qui court du 1er mars 1910 au 1er mars 1911.
Gaston BRAULT a plus de dix-neuf ans. Il est placé chez un cultivateur Monsieur LESENFANT, qui s’engage à :

Une partie des gages du pupille est déposée sur un livret de la caisse d’Épargne Nationale en prévision de son démarrage dans la vie.

Ainsi le 6 avril 1901, majeure depuis quelques mois, Amélie reçoit son livret de caisse d’épargne des mains du directeur de l’Assistance publique. Elle est à la tête de trois cent soixante dix francs et 54 centimes, environ 1 112 €. *

* Valeur de la monnaie, de l’Âge Classique au XIXe siècle, Une fiche pratique établie par Érik Leborgne (Paris 3 Sorbonne nouvelle)
https://www.fabula.org/actualites/valeur-de-la-monnaie-de-l-ge-classique-au-xixe-siecle-par-eric-leborgne-fiche-pratique_93847.php
1 Franc 1900-1914 = 3 euros

Source : Généalogie facile Réaliser son arbre Hachette Collections 2008

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