Parcourons la vie de cette famille PERRIN entre 1782 et 1854, de Thil à Tremilly, de Ville-Sur-Terre à Cirey-Sur-Blaise en commençant avec les parents.
Pierre PERRIN épouse Jeanne BULARD à Thil le 1er octobre 1782. Tous deux sont nés là : Pierre le 5 avril 1760 et Jeanne, neuf mois plus tard, le 9 janvier 1761.
Bien sûr, les bans ont été publiés, « au prône* des messes paroissiales » de trois dimanches de septembre. Aucun empêchement ou opposition, le curé de Thil donne sa bénédiction à Pierre, fils de Jacques PERRIN et de Louise ROYER, et à Jeanne, fille de Nicolas BULARD et de défunte Marie DEMERSON.
Les deux tourtereaux sont mineurs. A 22 et 21 ans, il leur aurait fallu attendre trente ans pour Pierre et vingt-cinq pour Jeanne, pour se marier sans le consentement de leurs parents.
Toute la famille est réunie pour leurs noces. Père et mère de l’époux, père de l’épouse, frères, sœurs, et autres parents des deux côtés sont présents. Certains signent le registre avec le curé.
En fait il était temps de se marier car, cinq mois et dix-huit jours plus tard, Jeanne met au monde son premier enfant. On ne perd pas de temps, Jean « Joseph » est baptisé le jour de sa naissance, le 19 mars 1783. Le recteur de l’école des garçons, Jean Julien COLOT est le parrain et Jeanne GALLOY, la femme de Claude ADROIT, charron, la marraine du bébé.
Ville-Sur-Terre compte environ quatre cent cinquante âmes à cette époque et le curé a rédigé onze actes entre les deux événements de la famille PERRIN : quatre baptêmes et sept sépultures. Trois nourrissons sont décédés quelques jours après leur naissance, un autre petit n’a vécu que trois semaines, deux jeunes sont morts à seize et dix-sept ans. La grande faucheuse n’a emporté qu’un seul adulte, une femme de cinquante et un ans, si le curé ne l’a pas vieillie comme cela était fréquent.
Mais Jean « Joseph » PERRIN, lui, va parvenir à l’âge adulte.
Une petite sœur n’aura pas cette chance. Marguerite Jeanne rejoint la famille pour seulement trois mois en 1784.
Puis Jeanne BULARD accouche de Pierre « Nicolas » en 1785.
Comme son ainé, il est baptisé promptement, le jour même de sa naissance, le 5 juillet 1785. Lui a pour parrain Nicolas MAILLOT, fils mineur de Louis, maréchal, et pour marraine Louise RUELLE, également mineure et fille de Jacques, manouvrier.
A cette période Pierre PERRIN est encore tonnelier. Est-ce la fréquentation de Jean Julien COLOT, le parrain de Jean « Joseph », qui l’incite à changer de métier pour devenir, lui aussi, recteur d’école ?
Toute la famille emménage alors à Trémilly (Haute-Marne). Les deux paroisses ne sont distantes que d’un peu plus de deux kilomètres. Là le nouveau maître d’école et sa femme continuent de construire leur famille.
Le foyer accueille Claude Barnabé en juin 1788.
Mais l’été ne va pas être très joyeux. Le bébé décède le 9 août à Trémilly et Pierre perd son père, Jacques, le lendemain à Thil, il avait soixante-sept ans.
Mais la vie continue. Tous les ans ou presque, la famille tente de s’agrandir mais les petits passent rarement le cap de la première année :
– Marguerite Louise Catherine naît fin novembre 1790 et décède huit jours plus tard.
– Pierre Thomas ne vit que les deux mois premiers mois de 1792.
– Edmée Angélique s’éteint le 15 thermidor de l’an II (2 août 1794), à trois mois.
– Puis entre le 4 vendémiaire an IV (26 septembre 1795) et le 2 frimaire an XIII (23 novembre 1804), Charles Joseph, Jeanne Joséphine, Marie Louise, Nicolas Martin et Adélaïde Geneviève Joséphine ont une vie des plus brèves.
Sur les onze enfants que Jeanne BULARD met au monde entre 1788 et 1804, deux seulement parviendront à l’âge adulte : Marguerite PERRIN (1789-1832) et Antoine PERRIN (1793-1814).
Il est vrai que la mortalité infantile est alors très élevée (280 pour 1000 en France entre 1740 et 1789**).
An II de la République, le mois de mars 1794 marque deux évènements dans la vie de Pierre.
Le 20 septembre 1792, la veille de sa dissolution, l’Assemblée Législative réforme « le mode de constater l’état civil des Citoyens ». « Les municipalités recevront et conserveront à l’avenir les actes destinés à constater les naissances, mariages et décès. »*** Le conseil général de chaque commune élit un de ses membres pour tenir les registres et Pierre PERRIN devient officier public. Il est « nommé par délibération du vingt-six ventôse », le 16 mars 1794.
Il est sans doute très fier de cette désignation. C’est en effet important au point que trois jours plus tard, quand il déclare le décès de sa mère, Louise ROYER, à Thil, son homologue en fait mention, oubliant de donner le métier du citoyen de trente-trois ans.
Pourtant Pierre n’assurera pas très longtemps les missions d’officier public. Est-ce le renouvellement du conseil général de la commune, ou avait-il quelques difficultés dans l’accomplissement de ces tâches ? Les registres sont très confus à Trémilly pour cette période et je ne retrouve plus sa signature au-delà de l’An II.
Côté métier Pierre PERRIN va encore en changer au cours de sa vie.
De tonnelier, il était devenu maître d’école en 1788.
Puis il reprend la fabrication des tonneaux en 1795 et en 1801, il est charpentier. Les naissances cessant au sein du foyer, les actes se font plus rares et c’est seulement en 1815 que je le retrouve. Il a repris l’enseignement et s’est installé avec sa femme et sa fille à Ville-sur-Terre.
C’est dans l’acte de mariage de Marguerite que Pierre est noté « instituteur ». Le décret du 12 décembre 1792 en a décidé ainsi : « les écoles primaires formeront le premier degré d’instruction. On y enseignera les connaissances rigoureusement nécessaires à tous les citoyens. Les personnes chargées de l’enseignement dans ces écoles, s’appelleront instituteurs ».
Mais ce retour à l’enseignement sera de courte durée. Pierre PERRIN décède le 12 avril 1816, à cinquante-six ans.
Jeanne BULARD reste seule à Ville-sur-Terre. Ses trois enfants ne sont pas très loin : Jean « Joseph » à Trémilly, Pierre « Nicolas » à Cirey-sur-Blaise et Marguerite à Bar-sur-Aube.
Elle a perdu Antoine, décédé deux ans avant son père.
Marguerite se rapproche alors de sa mère et met au monde ces derniers enfants à Ville-sur-Terre.
Pourtant le 7 septembre 1832, c’est seule que Jeanne BULARD meurt chez elle, quinze jours après sa fille.
Deux voisins déclarent son décès. Le maire n’en note pas la cause et je ne peux pas être certaine que c’est le choléra qui l’a emportée. Cependant entre août et septembre 1832, il y a vingt-six décès à Ville-sur-Terre, alors que la commune n’en a compté que huit en moyenne entre 1830 et 1835. Dix-huit décès pour le seul mois d’août, dont douze adultes entre vingt-huit et soixante-cinq ans.
Les familles ne sont pas décimées, mais certaines comptent tout de même plusieurs décès sur ces deux mois : deux couples, deux pères et un de leurs enfants, une mère et son fils et une belle-mère et son gendre.
Comment cette épidémie est-elle arrivée à Ville-sur-Terre ? S’est-elle propagée depuis le nord, l’est, le sud ou l’ouest de Ville ? Est-ce Marguerite PERRIN qui l’a emmenée à Trémilly, après l’avoir transmise à sa mère ? C’est ce que nous tenterons de déterminer prochainement.
*prône : nm Recommandation, annonces du prêtre au cours de la messe (Déf. du Dictionnaire universel de poche 1997, offert par le Conseil Régional de Champagne – Ardenne aux lycéens).
** Pour mémoire la mortalité infantile désigne les décès d’enfants âgés de moins d’un an (Définition INSEE). Pour aller plus loin : Blayo Yves. La mortalité en France de 1740 à 1829. In: Population, 30ᵉ année, n°1, 1975. pp. 123-142.
*** Loi qui détermine le mode de constater l’état civil des citoyens. Du 20 septembre 1792, l’an quatrième de la liberté Consultable sur Bibliothèque numérique Aix-en-Provence
Sources :
Archives de la Haute-Marne et de l’Aube.
Famille PERRIN, une autre épidémie | |
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Epidémies et mortalité élevée, on ne s’amuse pas toujours en généalogie
C’est certain, mais les crises ont été traversées par nos anciens, il ne faudrait pas l’oublier aujourd’hui !