Famille PERRIN, une autre épidémie : La fille, Marguerite PERRIN – Ville-Sur-Terre

Marguerite PERRIN et sa mère Jeanne BULARD sont toutes deux décédées du choléra pendant l’été 1832. Comment l’épidémie a-t-elle gagné les confins de l’Aube et de la Haute-Marne ?
Venus d’Angleterre, les premiers cas seraient apparus sur le littoral de la Manche en décembre 1831. Puis en février-mars 1832, la commission sanitaire de Bar-Le-Duc en signale en Meuse.
En avril, l’épidémie fait rage dans le département de la Seine.
Le 7 mai, la Haute-Marne est atteinte par Saint-Dizier. Un mois plus tard la ville enregistre plus de 400 cas et 187 décès.
Le choléra gagne ensuite tout l’arrondissement de Wassy. Au chef-lieu, hors Pont-Varin, on comptabilise cent décès en juin 1832, à Montier-en-Der trente-trois entre juin et juillet, à Soulaines-Dhuys, dans l’Aube, trente-sept en juin.

Pourtant l’Aube a été atteinte plus tôt que la Haute-Marne. Dès le mois d’avril les décès y sont plus élevés que les deux années précédentes (plus de 50%). La régression de l’épidémie y sera aussi avancée par rapport à sa voisine.

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Pour ce qui est de Ville-sur-Terre, c’est en août 1832 que l’épidémie sévit.
Elle a atteint la commune plus tardivement, mais elle y est particulièrement meurtrière.
Difficile de connaître la cause exacte des décès et le choléra n’est sans doute pas responsable de tous les cas. Pour août et septembre, cinq nourrissons, un enfant et vingt adultes perdent la vie. En mettant en regard les années 1830 et 1831, la surmortalité de 1832 ne fait malheureusement aucun doute.

Décès enregistrés à Ville-sur-Terre – Source Archives de l’Aube 4E42811

Combien de malades y a-t ’il ? Les registres d’état civil ne mentionnent que les décès. Je n’ai aucune information sur les malades.
Je sais que Marguerite PERRIN (1789-1832) quitte Ville-sur-Terre pour Trémilly. A quel moment ? Est-elle déjà malade quand elle se rend chez son frère Jean « Joseph » ? Emmène-t-elle ses enfants ? Restent-ils avec leur grand-mère Jeanne BULARD (1761-1832) ? Impossible de le savoir. D’ailleurs les éléments que j’ai pu regrouper de la vie de Marguerite sont peu nombreux.

Revenons quelques années en arrière.
A Versailles, les États généraux se réunissent depuis trois semaines, quand Marguerite vient au monde, le 27 mai 1789, à Trémilly. Son père Pierre PERRIN est alors maître d’école.
Deux garçons ont précédé la petite fille dans la famille : Jean « Joseph » et Pierre « Nicolas ». Ils ont alors six et trois ans et demi.
Huit autres frères et sœurs suivront, mais parmi eux, seul Antoine parviendra à l’âge adulte. Marguerite va sur ses 4 ans lorsqu’il naît.

Pierre, enseignant, a peut-être appris à lire et à écrire à Marguerite. En tout cas elle signe son acte de mariage le 29 novembre 1815. Sa mère Jeanne BULARD, elle, ne sait pas signer.

Sur le registre, le maire de Ville-sur-Terre mentionne que le marié, Jean « Louis » JEANNESSON, l’émouleur, ne dépend pas des autorités militaires. Pour preuve, un certificat provisoire d’exemption a été délivré à Jean Louis par le conseil d’examen du département de la Meuse.
C’est vrai, Jean Louis est originaire de la Meuse, de Louppy-Le Château. Il y est encore domicilié en 1815.
Pour son mariage, ses parents n’ont pas fait le déplacement et ils ont donné leur consentement par procuration, signée devant un notaire de Bar-Le-Duc.
Bien sûr la famille de Marguerite est présente puisque les noces ont lieu à Ville-sur-Terre. Ils sont tous réunis : Pierre, le père, Jeanne, la mère, tous les parents et amis. Jean « Joseph », le frère aîné, est témoin.
Situons leur mariage dans l’histoire : en juin 1815, Napoléon a été défait à Waterloo. Le traité de Paris, signé le 20 novembre 1815, quelques jours avant le mariage de Marguerite et Jean « Louis », organise le retrait des troupes alliées sur les départements frontaliers. Les communes de l’Aube et de la Haute-Marne vont subir l’occupation de troupes étrangères durant trois ans encore.

Mais restons avec Marguerite PERRIN. Comme pour ses parents, elle devait se marier rapidement. A vingt ans, six mois après ses noces, la jeune femme met au monde son premier enfant, une petite Célénie JEANNESSON, le 3 juin 1816.
SI la mortalité infantile a baissé dès la fin de l’ancien régime, les petites vies restent fragiles et pour Célénie, le malheureux adage est de mise, « Dieu a donné, Dieu a repris ». La petite ne vit que vingt-sept jours.

Après leur mariage, le jeune couple s’était installé à Bar-sur-Aube , mais quelques mois plus tard, il déménage pour Ville-sur-Terre, où Marguerite PERRIN mettra au monde ses six autres enfants :
– Joseph « Onésime » né en 1817.
– Marie Célénie née en 1818.
– Jacques Isidore né en 1820.
– Marie Léony née en 1823.
– Joseph Silas né en 1825.
– Thérèse Aline née en 1827.

Plus trace de Marie Léony et de Thérèse Aline dans les actes d’état civil après leur naissance, ou du moins je ne les ai retrouvées ni à Ville, ni à Trémilly.
Les deux plus jeunes garçons ne vivent que quelques semaines.
Puis la vie suit son cours et s’achemine vers l’été funeste de 1832.

Marguerite parcourt les six kilomètres qui séparent Ville de Trémilly.
A pied sans doute. Elle n’est pas à l’aise financièrement, c’est le moins qu’on puisse dire.
Ses enfants l’accompagnent peut-être ? Ou bien restent-ils avec la grand-mère Jeanne ? Est-elle déjà malade quand elle se rend chez Jean « Joseph » ? Ressent-elle des symptômes ? La maladie est silencieuse ou presque dans 80% des cas, mais, sans traitement, la mort survient en un à trois jours.

Marguerite s’éteint le 23 août 1832. Elle laisse de jeunes enfants.
Joseph « Onésime va sur ses quinze ans. Marie Célénie a plus de treize ans.
Si elles sont encore en vie, Marie Léonie et Thérèse Aline ont respectivement neuf et cinq ans.
Sans doute les ainés sont placés en apprentissage ou comme domestique. Je vous l’ai dit, Marguerite n’est pas riche, au point que la commune de Ville-sur-Terre délivrera un certificat d’indigence le 9 avril 1834.

Mais où est Jean « Louis » JEANNESSON en 1832 ? Aucune trace de lui depuis cinq ans déjà. Il est absent lors de la naissance de leur dernière fille.
Je ne le retrouve qu’en mars 1841, puis mars 1844, à Rouen (Seine-Maritime).
Il y réside 123 rue Saint-Vivien. Il est toujours émouleur, comme on le dit à Ville-sur-Terre, mais à Rouen, on le dit coutelier.


Et la vie a suivi son cours pour les JEANNESSON.
Marie « Célénie » se marie à Ville-sur-Terre en 1841 avec Nicolas « Joseph » PRIGNOT. Joseph « Onésime » en fait de même en 1844, avec Louise Libère HARDOUIN. Leur père rédige, à ces occasions et devant notaires, à Rouen, un brevet d’agrément. Jean « Louis » n’est pas seul là-bas, son jeune frère Jean Denis JEANNESSON (1804-1851) s’y est aussi installé. Il s’y est marié en 1843, avec son frère et son neveu comme témoins.

A leur tour les deux enfants de Marguerite PERRIN auront une descendance. Marie « Célénie » restera à Ville-sur-Terre. Joseph « Onésime » ira s’installer à Paris, où il sera employé par l’hôpital Lariboisière.
Passée la terrible épidémie de cet été 1832, les craintes se sont apaisées. Les familles sont loin d’imaginer en 1844 que dix ans plus tard elles devront de nouveau faire face au fléau du choléra.

Mais n’allons pas trop vite. Il nous reste à découvrir comment les trois frères PERRIN, Jean « Joseph », Pierre « Nicolas » et Antoine ont traversé cette période.

Sources :
Archives de la Haute-Marne et de l’Aube.
JJ Simonneau Les Haut-Marnais, la misère et les épidémies de choléra Racines Haut-Marnaises n°40 -4ème trimestre 2001
Bourdelais Patrice, Demonet Michel, Raulot Jean-Yves. La marche du choléra en France : 1832-1854. In : Annales. Economies, sociétés, civilisations. 33ᵉ année, N. 1, 1978. pp. 125-142 (https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1978_num_33_1_293912 ).
Santé publique France, choléra https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-infectieuses-d-origine-alimentaire/cholera

Famille PERRIN, une autre épidémie
Les présentationsPar ici
Les parents, Pierre PERRIN et Jeanne BULARDCliquez ici
La fille, Marguerite PERRIN – Ville-Sur-TerreVous y êtes
L’ainé, Jean « Joseph » PERRIN – TrémillyPar ici
Le benjamin, Antoine PERRINPar là
Le cadet, Pierre « Nicolas » PERRIN – Cirey-Sur-BlaiseBientôt

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