Rendez-vous à Verdun

« Dis, Mémère, tu te souviens de notre voyage à Verdun ? »

Nous sommes aujourd’hui le troisième samedi du mois de novembre 2021, conjonction de la lettre R de ce #ChallengeAZ sur mes ancêtres pendant la Grande Guerre et du #RDVAncestral.
Mon esprit vagabonde. Je retrouve ma grand-mère paternelle, Andrée CINET (1918-2008).

Je n’ai même pas besoin de sortir ma quantiquette. Je suis déjà prête à monter dans la voiture de Pépère et Mémère. Est-ce la Dauphine rosée ou déjà la Coccinelle bleue ? Peu importe, je ne sais pas non plus quel âge j’ai. Ce dont je suis certaine, c’est que nous partons de bon matin de Bailly-Aux-Forges (Haute-Marne), direction Verdun (Meuse), une centaine de kilomètres, via la Voie Sacrée.

Mes grands-parents ont décidé cette sortie mémorielle, c’est rare. D’habitude c’est plutôt avec mes parents que je fais du tourisme. Moi, j’adore ça et puis en plus je suis très privilégiée puisque je suis seule avec Pépère et Mémère, sans petit frère, ni petite sœur.

Toute fière à l’arrière de la voiture, je lis les pancartes des villes que nous traversons.
Wassy, Saint-Dizier, Bar-Le-Duc. A partir de Bar, nous suivons la Voie Sacrée. Cette route départementale 1916* doit son nom à l’écrivain Maurice BARRES.
Les yeux rivés au bas-côté, je cherche les bornes kilométriques casquées. Je vérifie leur nombre, une, deux, vingt, quarante…

Nous franchissons allègrement les cinquante-six kilomètres. Plus de trace du transit continu qui animait la route en 1916. Elle en a pourtant charrié des hommes, des munitions et du matériel, elle en a connu des réparations.

Finalement nous ne nous arrêtons pas à Verdun. Nous poursuivons notre périple jusqu’à Douaumont-Vaux. Notre visite va débuter par le Fort de Vaux.

Mon grand-père PORTE achète les billets. Nous entrons avec le petit groupe de touristes historiques. Il fait sombre et pas bien chaud et pourtant rien à voir avec ce que les soldats ont enduré ici.
Le guide est bavard, mais clair dans ses explications. Il veut nous donner une idée de l’ambiance sonore qui régnait au cœur des combats. Il nous prévient, il va reproduire le bruit d’un obus. Il vaut mieux se boucher les oreilles si l’on craint.
Il se dirige derrière une porte, manipule quelque chose.

Le bruit est assourdissant, insupportable.
Dire que les soldats subissaient ça nuit et jour pendant des heures…

Nous reprenons la voiture. En route pour d’autres sites !
Je ne sais pas pourquoi, la tranchée des baïonnettes ne m’émeut guère.
Une butte de terre, des canons de fusil qui dépassent du sol. Non vraiment, ça ne parle pas beaucoup cette reconstitution, ce monument « A la mémoire des soldats français qui dorment debout, le fusil en main, dans cette tranchée. – Leurs Frères d’Amérique » dit pourtant l’épitaphe.

Un peu plus loin, Mémère tire le pique-nique du sac. Nous mangeons tous les trois sans faim.
Pépère a sorti le canif qui ne quitte sa poche que pour les repas. Il taille consciencieusement des petits morceaux dans le tronçon de saucisson sec qu’il s’est servi. Pas de tranches fines, des petits morceaux, qu’il mange avec son pain. D’habitude, j’adore ce geste et tente de le reproduire avec application, mais aujourd’hui, le cœur n’y est pas.

Nous reprenons rapidement nos visites à l’ossuaire de Douaumont. Nous passons sans un mot le long du bâtiment. Quelle horreur que ces hublots qui découvrent des milliers de squelettes enchevêtrés dans le plus total chaos.

Notre expédition s’achève à Fleury-Devant-Douaumont, village détruit en 1916 et jamais reconstruit.
J’ai la gorge serrée dans cette forêt, incapable de prononcer un mot, à lire les pancartes qui signalent l’emplacement de l’école ou d’autres bâtiments, les yeux exorbités devant les innombrables bosses du sol, souvenirs des obus qui ont remodelé le paysage.

La journée se termine. Nous reprenons la route de Bailly.

Tu te souviens, Mémère, j’avais dix ans à peine, et je n’oublierai jamais cette journée à Verdun.

*Route nationale de 1924 à 2006.

Source :
Les routes touristiques en France, Route de La Voie Sacrée (55).
Office de tourisme Grand Verdun

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