Un arbre remarquable, le châtaignier de Kerzeoc’h

Photographie HDNFamilles 30/10/2023

Près de chez moi, vit un arbre remarquable. Ou plutôt, c’est moi qui vis près de chez lui, car il y a bien longtemps qu’il est installé à Pont-l’Abbé. Au début, il a été planté à Combrit. Mais non ! Il n’a pas déménagé. Cette partie de la commune a été rattachée à Pont-l’Abbé : la trève de Lambour a rejoint la capitale bigoudène en 1790 et Kerzeoc’h a suivi.

Cet arbre remarquable est un des châtaigniers du lieu-dit. Son histoire est millénaire.
Est-ce grâce à Charlemagne qu’il a vu le jour dans ce coin de Bretagne. L’empereur à la barbe fleurie a répandu l’essence en Occident et les chercheurs pensent qu’il pourrait avoir vu le jour vers 800.
Ou bien, encore plus ancien, doit-on ce patriarche aux romains ? Après tout, ils ont vécu à Combrit jusqu’au début du Ve siècle.

Près de Pont-l’Abbé, au milieu d’un groupe de châtaigniers, tous remarquables par leurs dimensions, on en voit un qui est comme le roi des autres ; il a plus de 50 pieds de circonférence, et de son tronc portent d’énormes branches qui pourraient passer elles-mêmes pour de très beaux arbres.

Célébré par Alexandre Bouet en 1838, puis André Suarès en 1900. « Le roi séculaire » a perdu ses compagnons pendant la Seconde Guerre Mondiale. Dans les années 1960, il a lui-même failli périr sous le feu d’un chasseur de lapins. Les flammes l’ont estropié. Il a perdu de son embonpoint, passant 20,5 mètres de circonférence à 14 mètres.

C’est qu’il en a vu passer des Combritois, le châtaignier de Kerzeoc’h.
Au lieu-dit, quelques traces des gallo-romains, puis mentions dans des archives du Moyen Âge. L’orthographe change, mais au fil des siècles, les écrits nous parlent des propriétaires de notre arbre. En 1536, la réformation de l’Évêché de Quimper cite le sieur Kerverdiou comme possesseur de la maison noble de Kerdevor. En 1602, au même manoir, un certain Jean Briec doit verser quatre écus et quatre chapons de loyer à Guillaume Kerlazrec, seigneur du Cosquer.

Et les Jézéquélou me direz-vous ? Ont-ils vécu auprès de notre arbre ?

Il y a trois cent vingt-deux ans, presque jour pour jour, le 25 novembre 1701, Noël Pochat de Kerzeor en Combrit, donne sa voix à Noël Diquellou. Qu’est-ce à dire ?
Les trois enfants Le Pochat ont perdu leur père trois semaines plus tôt. Tous les hommes parents de ces mineurs sont appelés à comparaître devant la juridiction de la baronnie du Pont pour désigner un tuteur. Noël Pochat vote pour Noël Diquellou de Kergrand. Lui-même vit à Kerzeor, qui n’est autre que le Kerzeoc’h d’aujourd’hui.

Cet homme, est-il apparenté aux Jézéquélou que j’ai étudiés ? Sans aucun doute, mais le prouver demanderait un peu de temps.

Quelques décennies plus tard, des Le Pochat vivent encore à Kerzeor. Un nourrisson de six semaines, Pierre Marie y décède le 1er mai 1779. Du côté de sa mère, Jeanne Diquelou (1746-1818), il est parent de Pierre Jézéquélou (1753-1807). Ce sont tous deux des arrière-arrière-petits-fils d’Arphel Jezequelou (1614- vers 1690), matelot et laboureur.

Toujours en 1779, une petite Anne Le Pochat naît à Kerzeor. Elle est cousine germaine de Pierre Marie, fille de Jean Marie. Dix ans plus tard, son papa siège à l’assemblée générale des paroissiens de Combrit, pour établir le cahier de doléances de la commune.

On pourrait bien sûr poursuivre l’histoire du vénérable châtaignier au long du XIXe et du XXe siècle. On y apprendrait qu’il a assisté au développement du tourisme dans la région. Presque à ses pieds, il y a encore aujourd’hui un camping et un gîte.
Il a échappé aux tempêtes, à celle de 1987 et à Ciaran ce mois-ci.

Alors, longue vie au patriarche de Kerzeoc’h ! Il y a des chances qu’il vive encore ici bien après moi.

Sources :
– AD29 14 Fi 659-662, Les châtaigniers de Kerzeoc’h, 1930-1940, photographies.
– AD29 3 E 51/8 Combrit, sépultures, 1779-1792.
– BOUET, Alexandre, Galerie Bretonne ou vie des Bretons de l’Armorique, Tome 3, Paris, Isidore Pezron Libraire-Éditeur, 1838.
– JÉZÉGOU, Mickaël, Arbres remarquables du Finistère, Locus Solus, Nature Patrimoine, 2019.
– SUARÈS, André, Le livre de l’émeraude : en Bretagne, Paris, Calmann-Lévy sans date, vers 1900.
– TORCHET, Hervé, Combrit, Sainte-Marine, l’Ile-Tudy et Lambour au Moyen Age, Paris, La Perenne, 2013.
– TORCHET, Hervé, Combrit, Sainte-Marine, l’Ile-Tudy et Lambour de 1500 à 1600, Paris, La Perenne, 2015.
– Réformations de la noblesse de Bretagne, consultable en ligne sur Gallica, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9062166p/f222.item.zoom
www.fr.brezhoneg.bzh/40-kerofis.htm
KerOfis, Base de données du service Patrimoine linguistique et signalisation de l’Office public de la langue bretonne, consultation du 25/11/2023.
– Centre Généalogique du Finistère, Bibliothèque numérique, Relevés des archives du Finistère 18 B 410, juridiction de la Baronnie du Pont, tutelles.

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