Un mois que je prépare ce rendez-vous et pas une ligne d’écrite ! De recherches en recherches, je m’égare sur les sites des archives départementales, Marne, Haute-Marne, Meuse. Je relève d’autres défis, je m’agace, je me perds. Une pause s’impose pour se recentrer, reprendre pied et atteindre mon objectif.
Je laisse bureau et ordinateur. Le soleil me fera du bien. Je rejoins la terrasse anthracite, m’assois sur l’escalier. Il fait chaud cet après-midi. Le pommier du voisin commence à perdre ses petites fleurs blanches, remplacées par le vert tendre des nouvelles feuilles.
Je m’adosse au plot lumineux. Je ferme les yeux. Le bruit des voitures s’estompe.
Mais la fraicheur gagne déjà, il n’est pourtant pas tard ! J’ouvre les paupières. Verger, pissenlits et fleurs de pommiers tout autour de moi. Pas de feuilles encore sur les arbres.
Je me lève et m’approche du château. Un donjon tout rond entouré de murailles, une porte gardée par deux soldats.
Qui sont-ils ? Ils tiennent une hallebarde, portent haut leur casque emplumé. La tunique de blanc, vert et rouge est superbement brodée. Ils n’ont pas l’air très avenant mais j’ose tout de même une question : « Bonjour Messieurs. Qui s’en vient aujourd’hui ici que vous deviez garder ? »
Ils sont moins étonnés que moi de mon vocabulaire.
Celui de droite me répond : « Halte là, Dame ! Marie, Royne d’Ecosse, est venue passer quelques jours sur ses terres de Vassy. »
Marie, reine d’Ecosse ? Est-ce possible ? Cela demande quelques précisions.
«Oui, Dame, c’est bien cela. Nous sommes tous deux membres de la garde écossaise de Marie Stuart, Royne d’Ecosse et Royne de France. Elle passe quelques jours en son douaire. Notre Reine est bien seule à présent et cherche quelques consolations et douceurs en cuisinant. Hier elle a fait des meringues. Mais le cœur n’y étant pas, elle les a ratées. Voyez, elles sont là, mises de côté par la cuisinière. »
« A Messieurs, je crois qu’il nous faut y goûter, si vous me permettez ! »
« Eejit, vous n’y pensez pas » s’écrient les gardes en un même souffle.
« Si, si, on ne sait jamais, une douceur même manquée, pourrait être un délice ! »
La cuisinière qui sortait de son office au même moment, nous rejoint bientôt. Elle porte un petit paquet et se dirige vers la soue à cochons. L’un des gardes la hèle : « Oh Jehanne, viens voir un peu ! » L’autre garde poursuit : « Il paraît que les meringues ne sont peut-être pas si mauvaises qu’on doit les donner aux cochons ».
La jeune femme ouvre le paquet. Quelques meringues sont disposées sur de tous petits morceaux de papier, délicatement pliés. Elle m’en offre une. Je déplie tout doucement les quatre coins, retire la friandise et croque dedans. Les trois autres m’imitent aussitôt. Le tour est légèrement croustillant, l’intérieur fondant à souhait, avec le croquant des amandes émondées pour couronner l’ensemble.
Mes trois compères ont le sourire aux lèvres. La cuisinière repart très vite. On l’entend déjà chercher Madame et lui demander comment elle a réussi cette merveille.
« Oh aye ! » lance un des deux gardes. « D’où vous est venue cette idée ! Je crois que cette recette va longtemps enchanter les palais ! »
« Mais permettez-moi de me présenter : William Turnbull, Archer de la garde écossoise du corps du Roy. Vous voyez je suis venu en ce royaume avec la petite Royne, il y a quelques années. On m’a intégré dans la garde écossaise, j’ai fondé une famille et puis par lettre de naturalité, je suis devenu Guillaume de Tournebulle. »
Je m’apprête à répondre quand je sens quelque chose me frôler. Un miaulement plaintif, je baisse les yeux. Et là, à mes pieds mon petit chat noir et blanc se prend à ronronner et à quémander sa pâtée.
Quel dommage ! Juste lorsque j’allais en apprendre davantage.
Troublant ce rendez-vous rêvé avec William.
Le matou renouvelle sa demande, cette fois plus insistante.
Bien, je vais aller lui préparer son repas. Demain, il faudra reprendre tout cela avec méthode, car les rêves de généalogiste amateur peuvent être bien trompeurs.
Illustration du garde écossais coloriée d’après l’ouvrage
Les Batailles Oubliées – Montlhéry 16 juillet 1465 des éditions HISTORIC’ONE et l’illustration de Patrice Courcelle
en ligne sur http://www.historic-one.com/bataille/montlhery.htm
comme c’est bien tourné , Bravo
Comme un rêve !