Sibeau

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Allez, on se lance dans les défis et pour cette première, on tente le doublet : #1J1Ancetre et le #RDVAncestral.

Commençons doucement, pas trop loin. Je ferme les yeux, nous y voilà.

Mathieu du Petit Journal avait raison, il pleut ce 20 mars 1915. Cela ne me change guère en Haute-Marne. Il faut s’attendre à ce que toute la journée soit grise. Pourtant c’est un jour de joie.
Arrivée au bon endroit, il me semble : avenue de la gare et de l’usine, je suis bien à Vaux-Sur-Blaise, devant la fonderie Bouchenot.
Il y a de l’animation ici, c’est sûr, un jeudi les hommes sont à l’usine, les femmes vaquent aussi à leurs occupations, les chevaux tirent leurs lourds chariots. Il faut bien garder des bras et des compétences pour nourrir cette guerre.
J’ai l’impression qu’ici la guerre, on fait tout pour ne pas y penser, malgré les huit morts pour la France de 1914.

Je remonte tranquillement la rue, un peu fébrile : j’ai rendez-vous avec Marius PORTE, mon grand-père paternel.
Il n’a pas de barbe au menton, Marius. Pour ça non, il vient de naître.

Je passe devant la maison du patron de l’usine, Pierre BOUCHENOT. Un homme d’une quarantaine d’années. Une femme, un peu plus jeune que lui, sans doute. Ils ont quatre enfants : Marguerite, 16 ans et deux garçons de 14 et 8 ans, Jacques et François. La petite demoiselle et madame sont bien élégantes. C’est Germaine leur domestique qui m’explique.

J’en profite pour lui demander où se trouve le logement des PORTE.
« Juste là, vous voyez les gamins qui jouent. C’est que la Léonie elle vient de leur faire un petit frère. Comme si elle n’en avait pas assez, six déjà. Cinq gars et une seule fille, la Jeanne, qui a onze ans. »

Je m’avance un peu. « Bonjour les enfants, on me dit que vous avez un nouveau petit frère ? »
L’ainé prend la parole, ce doit être Gilbert, 14 ans à peine, il est bien gringalet. « Bonjour Madame, vous voyez, voici André, Jeanne, Gaston, Maurice et Paul. Mais vous savez ils ont un surnom. André, c’est Macadon ; Gaston, Loustalo ; Maurice, Zozo et Paul, le Bidouille. »

Étonnant ces surnoms, et avec « le » devant dans le parler haut-marnais. On se demande comment Léonie va appeler son petit dernier.

Je m’approche, franchis le seuil. C’est l’effervescence ici. Juste le temps d’apercevoir Léonie. Elle donne le sein au petit bout de chou et dit : « Octave, c’est d’accord ? Il s’appelle Marius, le petit. »
« Pas d’autre prénom comme ses ainés » demande mon arrière-grand-père.
« C’est que je n’ai plus d’idée et puis entre toi, Gilbert et Gaston, cela fait déjà trois Eugène ! »

Octave prend sa veste et rejoint déjà son beau-frère Auguste ROBERT. Il habite à côté, la même maison avec Isabelle, sa femme et leur fils de 22 ans, Maurice. Le jeune homme a, si l’on peut dire, échappé à la mobilisation : exempté pour « infirmité apparente » à la hanche.

Léonie regarde le nourrisson et s’adressant à sa sœur : Il est si beau.

Je reprends doucement la direction du XXIème siècle. Je me souviens de ce qu’Andrée CINET, ma grand-mère, la belle-fille que Léonie pas connue, disait de Marius PORTE.
Septième de la fratrie, il n’avait pas d’autre prénom que Marius, mais sa mère avait du mérite à l’avoir surnommé Sibeau.

Le Petit Journal du 20 mars 1915
gallica.bnf.fr

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